Homélie du soir de Pâques
Le témoin d’un événement ne commence pas par l’expliquer. Il raconte d’abord. Il commence par dire ce qu’il a vu et entendu. Après seulement il l’explique.
C’est comme cela que ça s’est passé pour les premiers chrétiens, les apôtres. Ils ont mis en récit ce qui venait de leur arriver. Pierre raconte ce matin de Pâques : « Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui…. »
Un récit évangélique c’est une histoire vraie, avec un début, une fin, des événements, des hommes des femmes qui posent des actes…..
L’évangile d’Emmaüs que nous venons d’entendre est l’un de ces grands récits de la résurrection de Jésus.
Je note trois singularités de ce récit de l’évangéliste Luc.
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La résurrection est un imprévu, une surprise. Certes les pharisiens en parlaient un peu. Mais leurs adversaires, les Sadducéens en rigolaient. Bien sûr Jésus lui-même en avait parlé, et plusieurs fois mais qu’en avaient compris les disciples ? De manière surprenante le tombeau est vide ! Jésus en est sorti sans qu’on le voie en train de ressusciter. Pas de témoins de ce moment où le crucifié devient le ressuscité. Plus tard il se fera voir, il se donnera à rencontrer, et plusieurs fois. Toujours il les surprendra. Un jour ils le prennent pour le jardinier. Un autre jour c’est un inconnu qui fait route avec deux habitants d’Emmaüs et qu’ils ne reconnaissent pas. Une autre fois dans une pièce qu’ils pensaient bouclée, verrouillée, voilà qu’il les rejoint. La résurrection est une surprise. Certes on peut la souhaiter, la rêver mais c’est Dieu qui la donne. Ce qui est impossible pour nous, Dieu nous le donne
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La résurrection est un bouleversement. Il s’est passé quelque chose dans la vie de Jésus et dans leur vie pour que tout ait changé. Eux les marcheurs d’Emmaüs font demi-tour. Ils retournaient chez eux, maintenant ils reviennent à Jérusalem. Ils marchaient, tête basse, la tête dans les souliers, et voilà que l’inconnu leur relève la tête. Leur cœur et leur mémoire se réchauffent à l’écoute de cet étrange inconnu qui les a rejoints. Ils sont moins pressés de rentrer chez eux. Quelque chose les attire chez cet homme. Ils resteront auprès de lui cette nuit-là.
Notre vie est comme un chemin. Sur un chemin il y a des carrefours, sur un chemin on fait des rencontres imprévues, improbables qui nous changent la vie. Heureuses ou malheureuses ces rencontres peuvent toujours nous faire rencontrer le Ressuscité : une parole d’Évangile, la rencontre d’un témoin à la vie lumineuse, une confession avec un prêtre, un pèlerinage ont pu nous retourner, nous renouveler, nous faire abandonner les vieux ferments comme le dit l’apôtre Paul dans la second e lecture Une épreuve, une tentation, un malheur également peuvent être des rendez-vous avec le Seigneur. C’est dans ces retournements que l’on rencontre le ressuscité. Encore faut-il être attentif. La résurrection est discrète. C’est une brise. Nos vies ont besoin de silence pour en recueillir les dynamismes qui les animent.
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La résurrection est une présence. Jésus au quarantième jour des apparitions pascales s’efface. Mais il ne s’absente pas. Bien au contraire. Il est le compagnon quotidien pour peu qu’on s’habitue à regarder ce quotidien comme si on voyait l’invisible….Le Ressuscité a laissé de multiples signes de sa présence : les sacrements, sa Parole, son Église, les frères et sœurs dans le besoin à servir.
Au carrefour où il y avait une auberge Jésus nous laisse un geste : « Quand ils furent à table il prit le pain, il prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna ». L’eucharistie nous est offerte comme le signe de la victoire du Ressuscité sur la mort et le geste qui marque sa présence à nos côtés.
Chaque messe est comme un chemin d’Emmaüs à parcourir : un temps pour s’assembler, s’accueillir, se recueillir. Un temps pour écouter la Parole de Dieu. Un temps pour partager le pain, un temps pour se disperser et s’en aller dire et vivre ce que cette messe a fait de nous. Le chemin d’Emmaüs est le modèle de la vie chrétienne.
Ne pensons pas que toutes les messes soient identiques, que c’est toujours la même chose. Chaque messe est différente parce que nous ne sommes jamais les mêmes. Chaque dimanche nous arrivons avec des joies, des peines, des questions différentes.
- A chaque messe le Seigneur est présent.
- Sa présence est active, agissante. Il parle à nos cœurs, il suscite des énergies nouvelles. Sa croix nous travaille
- Sa présence est humanisante. A chaque eucharistie le Seigneur nous invite à devenir ensemble du pain pour un monde nouveau, ce pain partagé et fraternel pour un monde à renouveler.
- Si elle est humanisante sa présence est aussi transfigurante. A travers l’œuvre des croyants habités de l’Esprit Saint, déjà la création se renouvelle. Le pain et le vin, les premiers, deviennent présence réelle de Dieu.
- Si elle est transfigurante la présence de Dieu est aussi divinisante. Nous partageons déjà un peu de la vie de Dieu. Le pain de la communion, l’ostie, c’est déjà une communion avec Dieu et entre nous.
Apprenez par cœur c’est quatre qualités de la présence du ressuscité
+ Gérard Nicole, recteur du Sanctuaire